Evolution d’un moteur – DuvyOrg

Evolution d’un moteur

Les usines Alfa-Romeo ayant été reconverties pendant la guerre pour la production de moteurs d’avion, puis en grande partie détruites, les ingénieurs eurent carte blanche pour la conception de nouveaux moteurs d’automobile. Cependant que les constructeurs anglais et français se cantonnaient dans la production de rustiques engins bon marché à bloc en fonte, vilebrequin 3 paliers et arbre à cames latéral, voire soupapes latérales, Alfa Romeo, sous la direction technique de l’ingénieur Orazio Satta Puliga, pris résolument une direction futuriste en commercialisant des moteurs de type course.
Un archétype né en 1950 fut le gros et solide « 1900 » à double arbre à cames en tête dont la production continua jusqu’aux modèles « 2000 » de 1960.

Cependant, en 1954, un moteur ultra moderne et entièrement nouveau était apparu sur la Giulietta Sprint.

Figure 1: Première version avec pompe à essence à l’avant de la culasse

Avec tous ses carters, sa culasse et son bloc-cylindres en alliage léger, son vilebrequin à 5 paliers, ses chambres de combustion hémisphériques et ses 2 arbres à cames en tête commandant des soupapes en V (à 80°) par l’intermédiaire de poussoirs cuvettes, ce moteur reprenait l’architecture typique des engins de compétition de l’époque. Pourvu d’un alésage de 74, d’une course de 75 mm (pour 1290 cc) et de bielles d’un généreux entre-axe de 133 mm, il supportait sans dommages 8000 t/mn.

Il était doté de chemises humides amovibles et d’une commande de distribution par double chaîne. Les soupapes d’échappement étaient creuses et replies de sodium pour une meilleure évacuation de la chaleur des têtes vers les guides. La pompe à huile était entraînée par un arbre incliné s’engrenant à l’avant du vilebrequin et dont l’extrémité supérieure actionnait le distributeur d’allumage.

 

Figure 2 : Sous-alimentée par un petit carburateur Solex C32 Bic, cette version montée sur les premières Berlina en 1955 ne développait que 53 ch à 5200 t/mn.

Des 53 ch initiaux, la puissance fut augmentée selon les carburateurs, arbre à cames, collecteurs d’échappement et taux de compression. Ainsi la Giulietta Sprint Veloce fut présentée en 1956 avec une variante de ce moteur alimentée (comme il se devait !) par 2 carburateurs doubles horizontaux Weber 40 DCOE. De nouveaux arbres à cames et un taux de compression relevé de 8:1 à 9:1 permirent d’extraire du 1300 quelque 90 ch à 6500 t/mn. L’usine annonça 100 ch au même régime sur les moteurs destinées aux modèles Sprint Speciale (1957-62) et Sprint Zagato (1958-61) grâce à des réglages différents. Cependant, des arbres à cames spéciaux et un travail de la culasse autorisèrent des préparateurs tels que Conrero à en tirer facilement quelque 115 ch à 7000 t/mn.

En 1962, une version de 78 d’alésage et 82 de course pour 1570 cc fut présentée sur la nouvelle Giulia TI. Le bloc gardait le même entre-axe des cylindres, mais par contre sa hauteur était augmentée de 2 cm et les bielles étaient désormais longues de 148 mm, ce qui améliorait encore le rapport l/c à 1,805 (148/82) contre 1,773 pour le 1300 – qui resta d’ailleurs en production. Le diamètre des soupapes passa de 37 / 34 (admission / échappement) à 41 / 37 et le moteur avait un nouveau carter nervuré portant sa capacité d’huile à pas moins de 7 litres. Avec un carburateur double Solex 32 PAIA dont le 2e corps était ouvert par une capsule à dépression la puissance était limitée à 92 ch à 6000 t/mn.

Figure 3 : Les moteurs étaient inclinés de 5° (Giulia TI )

L’année suivante une berline allégée, produite en petite série et nommée « Giulia TI Super » était affublée de la batterie de Weber 40 DCOE et d’arbres à cames analogues à ceux des Veloce. Avec un taux de compression de 9,7 dû à des pistons plus bombés le moteur donnait 112 ch (DIN) à 6500 t/mn, la voiture atteignant 185 km/h.

En 1965 la Giulia Super entra en production avec les 2 Weber, mais le diagramme de distribution était revu avec beaucoup de croisement pour un couple maximum de 13,2 mkg à 3000 t/mn alors que la puissance DIN baissait à 98 ch avec 9 de taux de compression. Des versions ultérieures équipées d’un nouveau boîtier de filtre à air directement sur les carbu furent annoncées à 102 ch toujours à 5500 t/mn sur la berline, apparemment après que les sièges de soupapes d’admission furent alésés à l’usine à 37 mm au lieu de 35. Les coupés Giulia GTV bénéficiaient de 109 ch à 6000 t/mn et 14,5 mkg à 3000 t/mn, ceci grâce à des carburateurs réglés avec des diffuseurs de 30 plutôt que 27 sur les berlines Giulia Super.

Figure 4 : Le 1600 des Giulia Super et GTV

Toutefois ces moteurs tournaient sans problème jusqu’à 7500 t/mn et Conrero en tirait facilement 135 ch DIN à 6900 t/mn – pour la route et sans même prendre la peine de démonter le bas. Les instructions de montage de son kit recommandaient de limer les arrêtes extérieures des dégagements pour les soupapes sur les pistons en aspirant la limaille, de raboter la culasse de 1,5 mm, d’aléser les sièges de soupapes à 38 / 34, de monter ses arbres à cames 290° conjointement à des diffuseurs de 34, des gicleurs principaux de 135, des bougies Bosch 260 T2 ou équivalent et des pipes d’admission, ces dernières produisant un bruit d’aspiration fort et caractéristique.

Une culasse à double allumage prévue pour la compétition et permettant des diamètres de soupapes de 40,5 / 36,5 fut produite à un petit nombre d’exemplaires (aux fins d’homologation) dès 1965 pour les « GTA ». Elles n’étaient données qu’à 115 ch DIN à 6000 t/mn en version routière de série, avec les arbres à cames standard et de gros Weber 45 DCOE alors que les versions de course qui dominèrent les Championnats Européens Tourisme de 1966 à 1972 développaient plus de 170 ch. Cette culasse fut également montée sur les « GTA 1300 Junior » en 1968.

En 1968 une nouvelle berline et des coupes restylés furent présentés sous la désignation « 1750 » avec un moteur dont la cylindrée était désormais de 1779 cc grâce à un bloc encore rehaussé, des bielles allongées à 157 mm, un vilebrequin à 8 contrepoids donnant une course de 88,5 et des cylindres de 80 d’alésage. Le couple plus élevé de ces moteurs était évident dès les premières pressions sur l’accélérateur. La première série utilisait les arbres à cames des Giulia 1600 et développait 118 ch DIN à 5500 t/mn, mais de nouveaux profils de cames allongeant les durées d’ouverture des soupapes de 5° et augmentant leur levée de 9,6 à 10,1 mm portèrent bientôt cette puissance à 122 ch toujours à 5500 t/mn. Le diagramme de distribution (41° – 60° – 54° – 34°) présentait un croisement considérable pour un moteur de grande série avec des centres de lobes calés à 100°. Les arbres à cames d’admission et d’échappement étaient toujours identiques, mais le diagramme est donné avec les jeux préconisés de 0,5 / 0,55. Alfa – Roméo avait manifestement prévu de la marge en cas de manque d’entretien car ces jeux pouvaient être passablement réduits, particulièrement à l’admission.

Figure 5 : 2000, 130 ch net , vilebrequin à 8 contrepoids.

Une version extérieurement semblable mais à l’alésage encore augmenté (84 mm) vit le jour en 1972 sur les voitures rebaptisées « 2000 ». Pour cela, il fallut égaliser l’espacement des cylindres : en effet les versions précédentes avaient un palier central plus large et donc un espace plus important entre les cylindres centraux. Cette ultime version de 1962 cc délivrait désormais 130 ch DIN et le montage d’un différentiel autobloquant s’imposa.

Avec de bons arbres à cames, ces moteurs sont capables de fournir plus de 170 ch. Des prototypes munis de culasses à double allumage avaient été testés avec grand succès en course sur les GTAm les deux saisons précédentes. La puissance de ces GTAm atteignait 230 ch.

© François Dovat

 

Lorsque les 2000 cédèrent la place aux Alfetta sur les chaînes de montage, la gamme de moteurs 1600, 1800 et 2000 fut reprise sans changement si ce n’est un nouveau carter qui reprenait la forme générale de celui des premières Giulietta et le remplacement du ventilateur sur la pompe à eau par des moto-ventilateurs électriques (fig.6). Pour les Giulietta II un méconnu 1357 cc avec l’alésage du 1750 (80 mm), 67,5 mm de course et 95 ch a été également produit. Ce fut l’unique version supercarrée.

Figure 6

Les « 75 » succédèrent aux Alfetta et Giulietta II, mais les moteurs restèrent les mêmes.
En 1986 une version du 1800 reçut un turbocompresseur Garrett T3 et un échangeur air / air alimenté par une prise d’air dynamique ainsi qu’un radiateur d’huile. Elle fut installée dans les « 75 Turbo », qui avaient des performances exceptionnelles : 1000m DA en 28,3 sec, 0-100 km/h en 7,6 sec et 217 km/h chrono. La puissance était annoncée à 155 ch à 5800 t/mn et le couple maxi de 23 mkg (226 Nm) était atteint à 2800 t/mn déjà, avec un pression de suralimentation de 0,75 bars (fig 7).

Figure 7

Les versions pour les USA avaient reçu un système d’injection mécanique Spica dès les années 70. En 1984 l’injection électronique Bosch et un variateur de calage de l’arbre à cames d’admission furent montés (fig.8).

Figure 8

En 1987 une culasse à double allumage fut montée sur les « Twin Spark » de 2 litres. Elle différait de celle des GTA par ses bougies parallèles et son angle entre les soupapes diminué à 46°, identique à celui du V6 . Disponibles sur les « 75 » et « 164 » jusqu’en 1993, ils développaient quelque 145 ch et disposaient de la gestion électronique de l’injection et allumage Bosch Motronic ( fig 9 ).

Figure 9

Les versions 1.6 et 2.0 avec la culasse classique à simple allumage furent également produites jusqu’en 1993 pour le Spider.

© François Dovat

 

Moteur Giulia Super

Moteur Giulia 1600TI

Moteur Giulietta II

75 2L

75 Turbo

Alfetta 2L

© François Dovat

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